Dans un article publié aujourd'hui sur Topanga Messenger, le directeur artistique Bernt Capra a accepté de partager quelques souvenirs au sujet du This Is It Tour, dont il avait conçu les décors... Lorsqu'il a été contacté pour l'interview, il revenait chez lui à pied, plongé dans ses réflexions, portant une enveloppe qu'il venait de recevoir par la Poste : elle contenait les épreuves des dernières photographies des décors tout juste achevés... Il les avait imaginés pour les 50 concerts de Michael Jackson à l'O2 Arena, qui auraient dû commencer le 13 Juillet à Londres.
"Ca ne m'est jamais arrivé de perdre l'un de mes patrons", déclare-t-il en secouant la tête. Originaire de Vienne, il habite à Topanga depuis 1980 et semble presque en état de choc. "C'est très triste parce que ces décors que nous avons créés ne peuvent vivre que si Michael est sur scène. Michael était unique, comme Elvis. Personne ne peut prendre sa place au sein de ces décors".
"Nous travaillions tous très dur. Il n'y avait pas de marge d'erreur. La semaine précédant la mort de Michael Jackson, nous avions tout terminé, à l'exception d'une nouvelle prise avec les décors... qui n'a jamais été réalisée. Ca me fait vraiment mal de me dire que tout ce travail que nous avons fait ne sera jamais montré. L'idée de faire de ce concert un véritable évènement théâtral était vraiment bonne et je ne pense pas qu'il y ait un moyen pour nous aujourd'hui de le voir. Ca fait mal de se dire que ce ne sera jamais montré comme ça aurait dû l'être".
Capra travaillait aux Culver Studios, à Culver City, sur les quatre plus grandes scènes, mesurant chacune 71.5 mètres de long sur 45.7 mètres de large et 13.7 mètres de hauteur.
"On devait avoir l'écran LED le plus grand jamais assemblé. Il faisait 10 mètres de hauteur et 30.5 mètres de long. Le but était de couvrir toute la scène avec, en arrière-plan, des vidéos tournées en 3D et diffusées en continu. Le public devait recevoir des lunettes 3D en même temps que les places de concert... et grâce à l'effet 3D, ces danseurs fantômes et les décors se seraient mélangés continuellement avec les vrais danseurs en direct sur scène, un peu comme le ferait un hologramme, pour donner au public une image unique".
"Dans le décor du cimetière, on avait des loups et des corbeaux qui volaient. Il y avait des momies et des zombies dans le cimetière et les zombies étaient habillés comme des personnages historiques : Louis XIV, Napoléon, un soldat... Je suis vraiment triste à l'idée qu'on ne verra jamais mon pirate décomposé"...
"J'ai entendu toutes les rumeurs qui circulent au sujet de Michael Jackson mais tout ce que je peux dire, c'est que c'était un collaborateur adorable. Il ne portait pas de masque, était toujours habillé élégamment. Il était vraiment fidèle à l'image qu'on a de Michael Jackson : il portait une veste noire style militaire avec des galons dorés stylisés pendant les répétitions ou encore une veste en cuir rouge avec des broderies... mais Michael était sérieux, très accessible, ultra poli et incroyablement prévenant. J'avais des places aujourd'hui pour les funérailles mais je les ai données à un ami", confie Capra par téléphone une heure après la fin de la cérémonie au Staples Center. "J'espérais qu'ils allaient utiliser les décors. J'étais en larmes quand j'ai vu Paris Jackson parler de son père. Michael nous a présenté ses enfants quand il les a amenés pour leur montrer les décors. Les enfants étaient normaux, très heureux et ils voulaient s'amuser dans le décor du cimetière et il a joué avec eux. C'était un père comme les autres et je suis certain qu'il aimait ses enfants et les choyait".
"Sa vie était, de toute évidence, un peu surréaliste. Quand il arrivait au travail, il devait évidemment venir avec un service de sécurité renforcé. Il était entouré d'au moins 4 gardes du corps. Nous avions même un nom de code pour les scènes de Culver City : "DOME". Nous nous occupions du "projet Dome". AEG était évidemment inquiet pour la sécurité. Il arrivait dans l'un des deux ou trois véhicules Cadillac noirs tout neufs qui le conduisaient aux répétitions. L'un des véhicules était pour lui et les enfants, l'autre abritait les 4 gardes du corps et parfois, il y avait une troisième voiture juste pour tenir les paparazzi un peu à l'écart. Aucune des voitures n'avait de plaque d'immatriculation".
"Michael Jackson adorait l'art et il connaissait la photographie, il appréciait le photographe Lewis Hine, qui avait été travailleur social pendant la Dépression et avait photographié des victimes du travail des enfants : des gamins de quatre, cinq, six ans travaillant dans des usines et des mines. Il était aussi très connu pour une série de photos de la construction de l'Empire State Building qui ont beaucoup de valeur maintenant. Michael aime cet artiste et il a conçu la chorégraphie de "The Way You Make Me Feel" et les décors de la scène en se basant sur les photos des hommes construisant des poutres en acier comme s'ils se trouvaient au sommet d'un gratte-ciel en train de faire leur pause-déjeuner".
"En général, quand Michael venait voir les décors, il était là pour travailler. Il voulait juste nous montrer ce qu'il faisait et créer la chorégraphie des danseurs au sein des décors avec l'aide du chorégraphe des concerts, Travis Payne, et du directeur, Kenny Ortega, qui est aussi un chorégraphe expérimenté. Les répétitions étaient impressionnantes à regarder. Je pense que Michael avait inventé tous les pas. Michael défiait les lois de la nature. De là où je me trouvais, c'est-à-dire à une dizaine de mètres de la scène, il dansait comme il le faisait il y a 30 ans, c'était beau à voir. Il était très leste et sa danse très fluide. Il n'y a personne qui peut danser comme ça, pour moi... il n'y avait pas de meilleur danseur que lui, même Noureev, même Fred Astaire".
"L'une des choses que l'on réalise en rencontrant Michael, c'est qu'il a ce charisme naturel - je ne sais vraiment pas comment le qualifier, je ne sais pas si c'est une réaction chimique ou autre mais... j'ai travaillé avec Leonardo DiCaprio et Robert DeNiro mais travailler avec Michael était très différent de tout ce que j'avais pu vivre. Nous n'avions que 5 semaines pour aller du stade de la conception à celui de la production, ce qui est vraiment peu pour un projet comme celui-là, mais à chaque fois qu'il me voyait, il me traitait avec beaucoup de respect et était adorable. Nous n'avions pas le temps de refaire les choses plusieurs fois, une fois que tout était approuvé, il n'y avait pas de retour en arrière possible".
Capra a obtenu ce travail par le biais d'un producteur, "un vieil ami avec qui j'ai eu l'occasion de travailler à l'époque, en faisant des films pour Internet et qui en avait entendu parler par hasard par un autre producteur avec qui il avait travaillé avant. Il ne pouvait pas me dire par téléphone quel était le projet mais quand il m'a demandé si je voulais travailler avec lui sur quelque chose, j'ai dit oui sans savoir ce que c'était. Donc je suis allé à une réunion avec Robb Wagner de Stimulated Incorporated qui était chargé de l'exécution de tout le projet (il faisait aussi partie du Mémorial) et on m'a présenté Robb Wagner et Bruce Jones. On s'est assis à la table pour notre réunion et j'ai découvert que c'était un plus gros projet que ce que j'imaginais".
"Rien de ce que fait Michael Jackson n'est petit. Tout ce qu'il fait, c'est du gros budget donc on ne nous a jamais refusé quoi que ce soit, quel que soit ce que nous demandions... On nous disait simplement qu'il fallait que ça aille vite donc tout était toujours fait par les "meilleurs" [professionnels], avec un gros budget. J'ai travaillé avec l'artiste Nicole Loebart et son mari, le directeur artistique William Budge. A partir de photos et d'idées, elle a fait des dessins conceptuels élaborés sur son ordinateur et tout ou presque a été approuvé donc nous avons pu commencer à construire les décors".
"Michael Cotton a conçu la scène et l'a construite. Bruce Jones, le co-directeur chargé des effets visuels, était le créateur numérique, il s'occupait des aspects techniques. Le concert complet ressemblait à un opéra flamboyant. Les décors étaient conçus comme ceux d'une grosse comédie musicale de Broadway, mais au lieu de changer de décors entre les chansons, chose que Michael ne voulait pas parce qu'il voulait que le spectacle soit continu donc il n'y aurait pas le temps, les décors étaient ces vidéos 3D que nous avions faites".
C'est la société Topanga Lumber qui a fourni le matériel ayant servi à la construction.
Source : ElusiveShadow.com / Topanga Messenger