Grâce à l'album "Destiny", les Jacksons renouent avec un certain succès commercial, même s'ils ne parviennent pas à réitérer leurs exploits des années MOTOWN. Porté par un enthousiasme sans limite, le groupe décide d'effectuer une tournée mondiale qui va les conduire aux quatre coins de la planète. Le "Destiny Tour" est également une occasion rêvée de faire oublier les tristes épisodes des show télé programmés sur CBS en 76 et 77.
Paradoxalement, le vent de liberté soufflant sur les enregistrements studio du groupe ne se vérifie pas complètement sur scène. De fait, le show Jackson n'évolue que trop peu par rapport aux productions précédentes, même si la mise en scène annonce déjà un certain goût pour la démesure, qui prendra toute son ampleur au cours des tournées suivantes. Le "Destiny Tour" est donc un spectacle intermédiaire, où les frères continuent de chercher leurs repères de groupe funky enfin débarrassé de son étiquette Soul Bubble Gum. Vêtus d'argent, ils évoluent tels des héros de l'espace perdus dans un décor aux couleurs de Peacock, leur jeune société de productions. Composé de titres MOTOWN, de morceaux enregistrés avec Gamble & Huff à leur arrivée chez CBS et de leurs tous derniers hits, le répertoire est mal équilibré. On y côtoie le plus euphorisant et le plus routinier, de "Things I Do For You", brûlant comme la fièvre à "Ben" et son sempiternel texte d'introduction... Cependant, l'orchestre, minimal et efficace, reste convaincant et ne trahit pas les nouvelEn 1981, au moment de prendre la route à bord de bus du "Triumph Tour", Michael Jackson déclare en avoir assez de se consacrer à ces tours de chant. Après plus de 12 ans passés à jouer dans des salles souvent pleines, une certaine lassitude s'installe. Michael précise : "Nous avons fait le tour du monde et chanté devant rois et ambassadeurs, il est temps de changer". Mais les choses ne sont pas aussi simples que ça. Avec "Off The Wall", Michael a non seulement relancé sa carrière solo, mais il fait également partie des artistes les plus en vue du monde du spectacle. De leurs côtés, les frères continuent à croire que les Jacksons ont encore de belles années devant eux.
Face aux journalistes d'Ebony et de la presse Rock qui ont la chance de recueillir ses propos, Michael laisse sous entendre que le destin du groupe familial n'est pas aussi immuable qu'il ne le paraît. En clair, s'il doit quitter les Jacksons pour se consacrer à sa carrière solo, il n'hésitera pas à une seconde.
Le "Triumph Tour" monte d'un cran dans la dramaturgie de première classe. La tournée porte bien son nom : d'un côté, Randy, victime d'un accident de voiture le 04 mars 1980, réussit à rejoindre ses frères sur scène. Les fans ébahis assistent au retour du miraculé, qui, dès l'ouverture du concert, défile, vêtu d'une armure du moyen âge et porte fièrement, tel un athlète olympique, la flamme du Triomphe.
Le spectacle, injustement réservé au public américain, prend des airs de show cataclysmique. En plus de la diffusion du clip de "Can You Fell It" sur grand écran, les Jacksons mettent au point un show à mi-chemin entre revue Funk et concert familial. Le magicien Doug Henning fait disparaître Michael à la fin de "Don't Stop 'Til You Get Enough". Les nombreux changements de costumes laissent éclater au grand jour des tenues en strass toujours plus brillantes.
Les 5 frères défendent leur réputation d'attraction vivante N°1 des USA, et relèvent le défi avec brio. Dans les coulisses, les stars défilent : de Katherine Hepburn à Nipsey Russel en passant par Andy Wharol. Tous se déplacent pour voir les Jacksons en Live, et plus particulièrement Michael.
Le succès de "Off The Wall" et les relatives faibles ventes de"Triumph" renforce de manière évidente le décalage grandissant entre Michael et ses frères, aussi bien sur scène que dans la vie quotidienne. Le petit dialogue échangé soir après soir en introduction du medley Jackson 5 résume bien la situation : à gauche, les Jacksons, gardiens des souvenirs MOTOWN, voulant interpréter quelques bonnes vieilleries. A droite Michael, qui ne veut entendre que des nouveautés. Les frères haussent le ton, Michael s'énerve, le public râle. Un compromis est trouvé, seul un medley est expédié en vitesse, mais là encore, c'est Michael qui dirige les opérations.
Le "Triumph Tour" est un spectacle monté sur ressorts, à l'énergie inépuisable et rare. Le magma de "Shake Your Body" en rappel en est la parfaite illustration. En forme, Michael livre des prestations vocales et physiques surhumaines. Les Jacksons sont alors au sommet de leur art, et décident d'immortaliser ce moment purement jouissif sur disque, véritable témoignage de la densité et de l'impact scénique de cette famille décidément surdouée.