A l’occasion de la sortie en DVD de This Is It, le film sur Michael Jackson, rencontre avec le réalisateur et proche de l’artiste, Kenny Ortega.
This Is It aurait pu n’être qu’une opération commerciale destinée à renflouer les caisses d’AEG, l’organisateur de concerts si décrié après la mort brutale de Michael Jackson, et coproducteur du film.
Mais ce documentaire presque austère est finalement un document précieux sur le travail du King of Pop.
Sans doute des zones d’ombre ont-elles été laissées de côté, sans doute Michael Jackson n’allait-il pas toujours aussi bien que l’homme investi et profondément vivant qui éclaire la scène dans This Is It.
Mais le résultat en vaut la peine. A ses côtés depuis la tournée Dangerous (1992- 1993), le réalisateur Kenny Ortega nous raconte sa vision de Michael Jackson.
This Is It surprend : ce n’est pas un mélo sur les derniers jours d’une icône, mais un document sur le travail et la création.
Notre intention était de montrer le travail et d’effleurer ce qu’aurait pu être ce concert du come-back.
Mais je ne sais pas ce que j’ai vraiment choisi. Je suis toujours dans la quatrième dimension, jamais je n’aurais pensé me retrouver aujourd’hui à parler de ça.
Quand on m’a apporté le projet, j’ai compris très vite que si je refusais de le réaliser, quelqu’un d’autre le ferait. Je devais affronter cette responsabilité.
De nombreux films vont être réalisés sur Michael, et nous nous devions d’être uniques.
A quoi devaient servir les images de répétitions utilisées dans This Is It ?
Nous étions en train d’en parler avec Michael… Il voulait créer un film en 3D durant le concert pour le sortir plus tard.
Tout ce que l’on voit sur les coulisses, les auditions des danseurs, les rapports avec le groupe et les chanteurs, devait figurer dans les bonus.
C’est devenu notre matière principale car nous n’avons pas eu de concert à filmer…
Cet accident a produit quelque chose d’unique : on voit Michael Jackson chanter et danser avec très peu de montage, à rebours de ce qui se fait en matière de musique filmée. Il n’y a qu’une ou deux caméras sur lui, très sobres.
Si vous saviez à quel point je suis d’accord avec vous.
Gene Kelly était mon mentor et mon professeur.
Michael, lui, avait une admiration sans bornes pour Fred Astaire et la manière classique de filmer la danse.
On le voit dans beaucoup de ses vidéos. Il n’aimait pas que quelque chose empêche le spectateur d’apprécier la ligne du corps en entier.
Il y a par exemple ces plans d’ensemble, dans Beat It et Bad, où les danseurs fondent sur la caméra, sans montage agressif.
C’était tellement important pour Michael. Il ne me laissait jamais oublier ça. Des cameramen devaient filmer en direct pour que le public, au fond, puisse bien voir sur les écrans géants. Michael disait toujours : "Le moins de montage possible, s’il vous plaît. Soyez sûrs de garder toujours dans le plan la tête et les pieds.” Il voulait laisser l’art de la chorégraphie exister dans l’image. Dans This Is It, la simplicité involontaire du dispositif sert son idéal.
Peu de performeurs peuvent supporter cette simplicité.
Ça, oui ! Astaire, et c’est tout. Hermes Pan, son chorégraphe, disait toujours : “Une caméra, rien d’autre !” MJ admirait cela. Il aimait aussi beaucoup le chanteur et acteur anglais Anthony Newley, qui a fait notamment Willy Wonka et Oliver Twist.
Souvent, on chantait ensemble des morceaux entiers de comédies musicales de Broadway. Dans sa loge, il écoutait de l’opéra, de la musique classique, du rap, de la pop, Janet, sa soeur, il aimait tant de choses…
Vous expliquez dans un bonus du DVD que MJ était lui-même un effet spécial. Que voulez-vous dire ?
Aujourd’hui, beaucoup de performeurs ne peuvent pas survivre sans des petits trucs, des tricheries.
MJ, c’était le contraire.
Durant le spectacle, il fallait ménager des moments pour qu’il danse, seul sur fond noir.
Il devait être l’effet spécial.
Mais même si on l’entourait de pyrotechnie ou de grands écrans, impossible de le perdre.
Tout devait être une extension de lui. Si ce n’était pas le cas, il s’en débarrassait. Il dirigeait le show, la technologie venait après.
Devant lui, tout le monde retenait son souffle.