En 2004, Michael Jackson accepte d'être interviewé par son ami de longue date, le réalisateur Brett Ratner.
Un entretien intimiste axé sur l'art et la créativité...
Introduction
"Oubliez votre tagédie personnelle. Nous avons tous dès le départ, des chiennes de vie et on doit surtout souffrir le martyre avant de pouvoir écrire sérieusement.
Mais quand on prend ce foutu coup dur, il faut l'utiliser. Ne pas tricher avec lui. Lui être aussi fidèle qu'un scientifique mais ne pas penser que quoi que ce soit ait
de l'importance sous prétexte que cela vous arrive, à vous ou à une personne liée à vous".
Ces conseils, citésdans l'autobiographie de Robert Evans, "The Kid Stays in The Picture", ont été prodigués par Hemingway à F.Scott Fitzgerald, il y a environ 70
ans. Ils restent pertinents aujourd'hui.
Et en parlant des désirs de la vie, des souffrances et de la joie... Il n'est pas facile d'être un génie: le prix à payer est lourd, à l'image de Mozart dont on se
souviendra bien plus longtemps que Napoléon. Michael Jackson comprend cette ironie. Je n'ai jamais rencontré personne d'autre dans ma vie qui éprouve une
telle passion et un tel amour pour le spectacle. On se souviendra de son travail, de son intelligence et de sa sagacité bien plus longtemps que tous ceux qui
actuellement le jugent durement.
Michael et moi avons souvent partagé des jours, des semaines et des mois.Notre relation s'appuie sur notre amour des films. Nous avons regardé beaucoup de films ensemble et celui que nous préférons est "Charlie et la Chocolaterie". Quelques mois avant le récent drame (Note: accusations de pédophilie), lui et moi avons pris un peu de vacances. Par le passé, il est souvent arrivé qu'il braque une caméra sur moi et me pose des questions. C'est ce que Michael fait avec ses amis : il devient un scientifique qui les dissèque à travers des questions pour apprendre. Souvent il m'a demandé si mes rêves d'enfant étaient devenus réalité et m'a questionné sur ce qui m'avait donné envie de devenir réalisateur. Donc j'ai décidé qu'il était temps, à mon tour, de l'écouter parler de ses rêves d'enfant.
Après mon interview, je suis sorti et j'ai acheté tous les disques qu'il a mentionnés, je les ai écoutés et j'ai compris un peu mieux Michael. Ce que vous êtes sur le point de lire est une conversation très privée et personnelle entre deux amis.
L'interview
Brett Ratner: As-tu un mentor ou quelqu'un qui t'as inspiré?
Michael Jackson: Oui, Berry Gordy, Diana Ross, Thomas Edison, Walt Disney, James Brown, Jackie Wilson.
Brett Ratner: Et qu'as-tu appris d'eux?
Michael Jackson: J'ai beaucoup appris d'eux, comment être un visionnaire, comment être créatif, comment être persévérant, comment être déterminé, comment avoir une volonté de fer et ne jamais laisser tomber quoi qu'il arrive. Tu vois?
Brett Ratner: quel a été ton premier emploi dans l'industrie du disque et comment l'as-tu obtenu?
Michael Jackson: Mon premier boulot...Probablement...Wow, mes souvenirs ne remontent pas aussi loin. J'avais environ 6 ans. Peut-être que c'était au Mr Lucky's. Je pense que c'était un club, le Mr Lucky's. On s'est produit sur scène là-bas.
Brett Ratner: Et comment avais-tu obtenu ce travail?
Michael Jackson: Je ne sais pas. Mon père saurait. Moi, j'étais trop petit.
Brett Ratner: Quelle a été ta première opportunité majeure et la première chose géniale qui te soit arrivé?
Michael Jackson: La première grande opportunité, c'est quand Motown nous a engagés. Nous avons passés l'audition à Detroit et Berry Gordy a invité toutes nos stars préférées que nous regardions étant enfants dans cette petite ville de l'Indiana: DDiana Ross, Smokey Robinson et The Miracles, The Temptations et Stevie Wonder, tout le monde était là. Et il y avait cette immense demeure avec une piscine intérieure, du marbre partout. Nous avons chanté et sont devenus dingues. Ils ont adoré ça, et Berry Gordy a dit "les garçons, je vous engage".
Brett Ratner: Vraiment?
Michael Jackson: Ouais
Brett Ratner: Et tu te souviens de cette journée là?
Michael Jackson: Bien sûr que je m'en rappelle.
Brett Ratner: Quels aspects de ton travail te donnent envie de te mettre à la tâche tous les jours?
Michael Jackson: Je veux travailler tous les jours...la simple idée de créer des univers. C'est comme si on prenait une toile, une toile vierge, tu vois, ou une ardoise blanche. On te donne de la peinture et on se contente de colorier, de peindre et de créer des univers. J'adore cette idée. Et aussi le fait que les gens le voient et soient épatés et inspirés quel que soit le moment où ils le voient.
Brett Ratner: Quelles qualités t'ont aidé à arriver là où tu es aujourd'hui?
Michael Jackson: La foi et la détermination. Et le travail.
Brett Ratner: Bien. Le travail mène à la perfection. Si à l'époque tu avais su ce que tu sais maintenant, qu'est-ce que tu aurais fait différemment dans ta carrière?
Michael Jackson: Ce que j'aurai fait différemment? Laisse-moi réfléchir...Répéter davantage.
Brett Ratner: Répéter davantage?
Michael Jackson: J'ai beaucoup répété...
Brett Ratner: Tu as sacrément beaucoup répété, tu veux dire! (Michael jackson rit). Mais tu aurais répété encore plus? (Michael Jackson acquiesce). Quelle
est la plus belle leçon que tu aies apprise?
Michael Jackson: Ne pas faire confiance à tout le monde. Ne pas faire confiance à tout le monde dans le milieu. Il y a beaucoup de requins. Et les maisons de disquent volent. Elles trichent. Il faut les contrôler. Et il est temps que les artistes prennent position contre ça, parce qu'ils se font complètement exploiter. Complètement. Les maisons de disques oublient que ce sont les artistes qui font l'entreprise, et non l'entreprise qui fait les artistes. Sans le talent, l'entreprise ne serait que du vent. Et ce sont les vrais talents que le public veut voir.
Brett Ratner: Quels sont tes albums préférés?
Michael Jackson: Mes albums préférés sont Casse-Noisette de Tchaikovski, les grandes oeuvres de Claude Debussy avec, tu sais,
"Clair de Lune", "Arabesque", "Prélude à l'Après-Midi d'un Faune". J'aime "What's Going On" de Marvin Gaye, le live de James Brown à l'Apollo, la B.O de "The Sound of Music" (La Mélodie du Bonheur)J'aime Rodgers et Hammerstein. J'adore les grands mélodistes et j'aime beaucoup Holland-Dozier-Holland de Motown, c'étaient des génies. Tellement de bons compositeurs...Tellement de grands compositeurs...
Brett Ratner: D'autres grands albums, des albums contemporains par exemple?
Michael Jackson: Des grands albums...C'est difficele parce qu'aujourd'hui, les albums ont une ou deux chansons excellentes et le reste est mauvais.
Brett Ratner: Ou des albums plus anciens, comme ceux de Marvin Gaye ou de Sly...
Michael Jackson: Sly et The Family Stone, j'adore tout ce qu'ils font. Et Stevie Wonder est un génie.
Brett Ratner: Quel album?
Michael Jackson: Tous. Talking Book.J'ai adoré quand il a fait "Living for the city". J'ai oublié le nom (de l'album). Fantastique. Je crois que c'était "Innervisions".
Fantastique. En entendant cette musique, je me suis dit "Je peux faire ça et et je pense que je peux le faire à une échelle internationale".
Brett Ratner: Vraiment?
Michael Jackson: Vraiment. Et puis quand les Bee Gees sont arrivés dans les années 70, ça m'a fait le même effet. J'ai pleuré. J'ai pleuré en écoutant leur musique. Je connaissais chaque note, chaque instrument.
Brett Ratner (en chantant): "This broken heart..."
Michael Jackson: (en chantant) "How can you mend..."
Brett Ratner (en chantant): "this broken heart...
Michael Jackson: (Michael se met à chanter) "How can you stop the rain from falling down?". J'adore ça. (Il chante avec Brett Ratner) "How can you stop the sun from shining? What makes the world go 'round". J'adore ce truc. Et quand ils ont fait Saturday Night Fever, ça a été le déclic pour moi. Je me suis dit "Je dois faire ça. Je sais que je peux le faire". Et on a explosé avec Thriller. Et j'ai commencé à écrire des chansons. J'ai écrit Billie Jean, j'ai écrit Beat It, Startin'
Somethin'. Ecrire, écrire. C'était génial.
Brett Ratner: Tu avais des posters dans ta chambre quand tu étais môme?
Michael Jackson: Ouais. Brooke Shields, partout. Mes soeurs étaient jalouses et elles les arrachaient du mur.
Brett Ratner: Quels sont les meilleurs concerts que tu aies vu?
Michael Jackson: James Brown. Jackie Wilson. Les vrais hommes de spectacles, les vrais, vous donnent la chair de poule.
Brett Ratner: James Brown? Tu l'as vu où?
Michael Jackson: On montait souvent sur scène après lui parce qu'il passait puis c'était notre tour pour l'heure des amateurs. Doncj'étais dans les coulisses à étudier chaque pas, chaque mouvement.
Brett Ratner: A la télé?
Michael Jackson: Non, à l'Apollo.
Brett Ratner: Ah, l'heure des amateurs à l'Apollo...Et tu l'as vu sur scène?
Michael Jackson: Oui, et Jackie Wilson aussi. Tous! Les Delphonics, les Temptations.
Brett Ratner: Mais tu te rappelles d'un concert? Tu as vu les Temptations aussi?
Michael Jackson: Oui.
Brett Ratner: Mais est-ce qu'il y a eu un concert en particulier où tu t'es dit "Oh, mon Dieu"?
Michael Jackson: James Brown, Jackie Wilson.
Brett Ratner: A l'Apollo?
Michael Jackson: Oui, ils me faisaient pleurer. Je n'avais jamais rien vu de tel. Ce genre d'émotion, ce genre de fébrilité, de sensation. C'était comme s'ils étaient dans une autre dimension spirituelle, plus élevée. Comme s'ils étaient en transe et ils avaient le public entre leurs mains. J'adorais la manière dont ils arrivaient à les contrôler, ce genre de pouvoir. Quand ils chantaient, les larmes coulaient sur leurs joues tellement is étaient à fond dedans!
Brett Ratner: Tu peux me citer quelques-unes de tes chansons préférées?
Michael Jackson: Mes chansons préférées de tous les temps? J'adore Burt Bacharach. Tout ce qui est sorti chez Motown. Les Beatles, comme "Eleanor Rigby", "Yesterday". Toute la musique des Supremes. Tous ces trucs sont géniaux. Je trouve que dans les années 60, il y avait les meilleures mélodies de tous les temps, entre Peter, Paul et Mary et tous ces gens. Les Mamas and The Papas étaient merveilleux. Et un peu avant, les Drifters aussi, j'adore la chanson "On Brodway", ça tient du génie. Les plus simples sont les meilleures, je trouve. J'adore "Alphie"...Cette chanson est si belle. Et il y en a tant d'autres. C'est pareil pour les films, il y a tellement de grands films.
Brett Ratner: est-ce que tu peux lister quelques trucs qui pourraient être utiles à quelqu'un qui débarque dans le milieu musical?
Michael Jackson: Croire en soi-même. Etudier les meilleurs et devenir meilleurs qu'eux. Et être un sceintifique. Disséquer les choses. Les disséquer.
Brett Ratner: Tu as dit autre chose avant, ne pas anbandonner.
Michael Jackson: Quoi qu'il arrive. peu importe si le monde entier est contre toi, se moque de toi ou affirme que tu ne vas pas y arriver. Crois en toi. Quoi qu'il arrive. Certains des grands hommes qui ont marqué ce monde ont été traités comme des...tu sais..."Tu ne vas pas y arriver, tu ne vas aller nulle part". Les gens se sont moqués des frères Wright. Ils ont ri de Thomas Edison. Ils se sont moqués de Walt Disney. Ils ont fait des blagues sur Henry Ford. Ils ont dit que c'était un ignorant. Disney a quitté l'école. C'est dire à quel point ils sont allés loin. Et pourtant, ces hommes ont changé notre culture, nos habitudes, notre façon de vivre, notre manière de faire les choses. Et je pense que Dieu plante ces graines là dans des êtres qui vivent sur cette terre. Et je pense que tu es l'un d'entre eux, j'en suis un aussi pour apporter aux gens un peu de bonheur et d'évasion, de joie et de magie. Parce que sans divertissement, à quoi ressemblerait le monde? Tu vois? A quoi ça ressemblerait vraiment? Ce serait pour moi un monde totalement différent. J'adore le divertissement. Et mon préféré de tous est le cinéma. Le pouvoir et la magie des films. C'est la forme artistique la plus grande et la plus expressive de toutes. Je trouve qu'elle touche l'âme. La musique et les films sont les plus expressifs. C'est presque comme la religion: on s'implique tellement, on s'investit tellement dedans. On n'est pas la même personne en entrant dans un cinéma et en ressortant. C'est dire si ça vous affecte. C'est puissant. Je pense que c'est très fort. J'adore ça.
Brett Ratner: Quand tu as la possibilité de susciter des émotions chez les spectacteurs.
Michael Jackson: Oui, oui.
Brett Ratner: Ils S'identifient à ça.
Michael Jackson: Oui, ils le vivent. Ils en font partie. Ils oublient qu'ils sont assis dans dans un siège.
Brett Ratner: Le fait de regarder un film influence leur vie.
Michael Jackson: Toute leur vie. Ca peut changer ta vie. Oui, je me souviens avoir vu Star Wars au cinéma quand j'avais 7 ans. C'est totalement différent pour Paris ou Prince de le voir aujourd'hui en DVD, 27 ans plus tard. Je l'ai vu quand il est sorti, avec l'onde de choc et les craintes mêlées d'admiration que ça a suscité à l'époque. Personne n'avait jamais rien vu de tel. Il y avait des files d'attente interminable et la première fois, je n'ai même pas pu rentrer. J'ai dû réessayer le lendemain. Le souvenir d'être prêt à tout, à l'âge de sept ans, pour voir ce film, en fait une expérience encore plus inoubliable. La première fois qu'on voit quelque chose comme ça, ça affecte ta vie à jamais. C'est comme écouter une chanson ou voir un artiste se produire sur scène pour la première fois. Pouvoir voir James Brown et connaître c moment où les larmes te montent aux yeux, est différent de l'écouter à la radio 20 ans plus tard. Je ne peux pas décrire à quel point c'était incroyable. J'adore tout simplement les grands artistes, les grands hommes de spectacle, les grands showmen, les grands conteurs. Tu es médusé rien qu'à les regarder. Tu es totalement absorbé par ce qu'ils font. J'adore ça.
Brett Ratner: Frank Sinatra...
Michael Jackson: Oui. Ces mecs sont géniaux. Et Sammy Davis. J'adore ça, tout ce truc. C'est magique, c'est vraiment magique.